Le petit jaunais

Un voyage à Nantes et l’occasion d’une rencontre avec Jean-François Assié , alias "Le petit jaunais”, atelier de lithographie qui a pour particularité de travailler avec une presse litho inventée par Nancy Sulmont, fondatrice du lieu.

L’origine ?

Nancy, diplômée des Beaux-arts de Nantes en lithographie, s’investit très tôt après ses études dans la conception d’une presse qu’elle souhaite légère et mobile. Elle la nomme la “presse à poing”, outil entièrement démécanisé dont la pression s’exerce à l’aide d’une “esquiche” * (et non plus d’un râteau) et surtout du corps de celui qui imprime. Pour rendre la technique pleinement transportable, Nancy teste aussi d’autres types de pierres que celles utilisées en litho (qui sont particulièrement lourdes). Elle sélectionne le marbre de Carrare.

Sortir des murs de l’atelier...

Même si Le petit jaunais accueille en résidence des artistes à venir créer une édition, l’avantage de la presse transportable permet de mener des projets en dehors de l’atelier: chez les artistes mêmes ou bien encore dans les écoles pour initier les enfants à l’objet-livre par la réalisation d’une édition.
Nancy et Jean-François relèvent ainsi des défis étonnants: réaliser un livre avec la participation de tous les enfants en seulement un ou deux jours. Défis qui nécessitent un travail préparatoire passant par une collaboration avec les enseignants : étude du contexte pour le travail de conception du fond et de la forme, création de jeux en lithographie.
Voir les enfants travailler, c’est assister à “un petit théâtre” de la vie sociale : à plusieurs autour de la pierre, de la presse, chaque enfant a son rôle (dessiner, encrer, déposer et enlever le papier ou encore “eskicher”).

Limite?

La limite est souvent questionnée par la pratique de ce métier. D’abord parce qu’il faut régulièrement se demander le sens d'une telle pratique aujourd'hui :
“La lithographie est une activité obsolète au sens des critères de l'économie de production contemporaine, donc elle ne peut s'inscrire que dans la conviction acharnée de ceux qui la pratiquent, que dans une démarche de recherche, de valorisation de ses qualités spécifiques. Qualité plastique, rapports au temps, aux relations d'action.
En cela aujourd'hui elle apparaît comme une lutte d'une expression de résistance
à l'accélération continue des échanges et des opérations, une application raisonnée de principes relationnels supportables et respectueux des acteurs.
Le thème n'est pas nouveau, voir "Les temps modernes" de Charlie Chaplin.
Et la réflexion d'Hartmut Rosa Accélération. Une critique sociale du temps,
(http://www.lemonde.fr/societe/article_interactif/2010/08/29/le-monde-magazine-au-secours-tout-va-trop-vite_1403234_3224.html ) “
Aussi, dans sa pratique de la litho, Le petit jaunais joue avec les limites du support du dessin, en imprimant par exemple des pierres ramassées dans la nature.

Jean-François, photographe de formation, aime la phase d’interprétation dans le travail qui pour lui est “une résolution ferme dans l'échange avec l'artiste” au moment de l’impression d’une pierre. Il s’intéresse aussi particulièrement à la notion d’exposition, d’accrochage et s’interroge sur “la pertinence de la présence permanente des œuvres exposées comme dans une transparence totale dans notre environnement”. Il cherche donc à le travailler jusqu’à créer “des dispositifs de contrainte et de participation” du public dans l’espace d’exposition.

Diffusion

Pour diffuser le travail accompli, Le petit jaunais a pu participer à des foires d’Art : le souhait de Nancy et Jean-François étant d’inscrire leurs réalisations dans le champ de l’art contemporain (Art Paris, FIAC) plutôt que dans celui de l’édition d’art (marché de la poésie ou salon du livre) ou de celui d'une pratique de l'estampe (Salon de l'estampe à Paris par ex.). Là aussi les expériences sont faites et à faire.

*pour la définition du mot occitan “esquicher”: http://racamg.perso.sfr.fr/Esquicher.html