Un bout de terre à la ville...
A moins d’habiter dans une maison ou un rez-de-chaussée avec jardin, il est particulièrement difficile d’expérimenter le travail de la terre en ville. Ne parlons même pas de l’autonomie procurée par un potager nourricier qui nécessite un minimum de 500 mètres carré par personne!
Par “travail de la terre”, il y a au moins l’idée d’être à son contact. Cherchez bien autour de vous, que voyez-vous comme espace de pleine terre (c’est à dire avec la possibilité d’un enracinement profond) à Bruxelles?
Certes, cette dernière est considérée comme une des villes les plus vertes d’Europe mais c’est en comptant les nombreux espaces verts privés tels les jardins en intérieur d’îlots et autres espaces comme les terrains de sports et cimetières. Une autre donnée moins glorieuse est à prendre en compte: le résultat de l’étude menée par Inrix le fournisseur mondial d’informations trafic qui place Bruxelles en tête des villes les plus embouteillées d’Europe.
Mis à part bien sûr les parcs publics et la forêt de Soignes, il n’y a pas suffisamment d’espaces de pleine terre accessibles qui pourraient être envisagés à des fins de réapropriation collective.
Et pourtant, la réalité de la terre et son expérimentation apportent bien des enseignements: temporalité des saisons, influence du climat sur ce que nous mangeons, origine de nos aliments,...
A Bruxelles comme ailleurs pourtants, des espaces publics se transforment en parcelles de potager à la gestion individuelle ou au contraire complètement collective et participative (http://www.potagersurbains.be/).
Après avoir apprivoisé pendant quelques mois un mini-potager urbain, environ deux mètres carré en bac avec une hauteur de terre d’un mètre, soit environ deux mètres cube (à noter: le confort du jardinier qui ne doit plus se baisser, hééé oui) plusieurs observations et réflexions ont été faites (merci à nos voisins de potagers et à notre “formatrice” pour leurs conseils)...
Premier constat, le jardinage, c’est un peu comme le soin à apporter à un bébé: on entend tout et son contraire.
Pour les semis par exemple: pour les uns, c’est une sacrée science: espace entre les graines, profondeur d’enterrement, graines groupées ou graine unique, … Pour les autres, c’est une question de logique: si grosses graines, plutôt les semer individuellement, si très petites, en groupe, à peine recouvertes de terreau à semis. A retenir même si c’est évident pour beaucoup, c’est toujours plus pratique pour s’y retrouver après de semer en ligne ;)
Pour la récolte de graines: laisser monter en graines les meilleurs plants (ne pas manger les premiers légumes par exemple), récupérer les graines à faire sécher, puis faire du paillage avec les “porte-graines” (les plants qui ont servi à cet effet) à la fin de la saison. Pour vérifier si des graines sont fertiles, les faire germer dans de l’eau. Si rien ne se passe après une semaine, c’est que c’est foutu. Faire les semis comme d’habitude, voir ce qui monte, généralement tout monte en même temps. Faire de la place en replantant ce qu’on souhaite garder.
La question des emplacements des plantes peut être logique aussi: observer comment la plante s’oriente et en fonction, la replanter dans la direction qu’elle pointe, ne pas remettre une plante de la même famille au même endroit dans le potager plusieurs fois d’affilée, (risque d’appauvrissement du sol), tenir à l’oeil les associations de plantes.
Question apports nutritifs: un paillage avec les plantes qu’on enlève coupées en petits morceau est conseillé, par contre pas avec tout: par exemple, la claytone de cuba ou pourpier d’hiver, petite salade très envahissante!
A noter aussi que le paillage attire les limaces. Du chardon peut être coupé aux pieds des plantes pour les démotiver à les manger.
Il vaut mieux ne pas déraciner les plantes qui pompent beaucoup des nutriments du sol comme roquettes montées ou chénopodes montées. Les couper à la racine et laisser la racine “pourrir” dans le sol.
Les plantes identifiées dans le bac:
petit cresson,
roquette sauvage,
chénopode (même famille que les épinards!) à ne pas manger en excès,
concombre,
betterave rouge,
coriandre,
morelle (attention toxique!)
tomates volontaires,
pousse de robinier (arbre présent dans le parc)
Retour du festival Alimenterre à Bruxelles le 18 octobre 2015 en complément:
film documentaire: “remuer la terre, c’est remuer les consciences”, sur l’agriculture urbaine en Iles de France à voir ici et débat “les villes qui nourrissent les villes, réalité ou utopie”
C’est une utopie nécessaire vers laquelle il est bon de tendre que de penser pouvoir nourrir les villes par les villes car il y plein de bénéfices à l’agriculture urbaine dont beaucoup sont d’ordre social. On ne nourrit certes pas une ville avec la ville mais on la reconnecte avec le monde paysan et on participe au développement de la biodiversité. Beaucoup d’initiatives sont citoyennes et précaires car temporaires (souvent sur des terrains constructibles, convoités ou déjà engagés dans des projets immobiliers). La grande question est: comment pérenniser ces projets?
Sur les toits (analyse nécessaire de la portée du toit pour y mettre un potager), analyse de la pollution de l’air à Paris avec résultats encourageants: en hauteur, il n’y a pas de traces de métaux lourds.
Au sol, mieux vaut rester à quelques mètres d’une voie traversée par des voitures. En pleine terre, le problème est que pour une même espèce de plante comme la roquette par exemple, il y a des variétés qui vont contenir plus les métaux lourds que d’autres. Autre difficulté: les prélèvements par carottage mélangent l’équivalent d’un mètre de profondeur de terre dans l’analyse de l’échantillon. Or les plantes, même à racines profondes de 50 CM, ne se nourrissent pas aussi profondément. En région parisienne, un site va servir de laboratoire pour voir l’impact des métaux lourds sur les légumes avant et après lavage. Ce type d’expérience n’aurait pas encore été mené!
A Bruxelles, une ceinture aliment-terre est en train de se mettre en place comme c’est déjà le cas à Liège. Il serait utile d’aller à la rencontre des agriculteurs “locaux” qui alimentent Bruxelles (en périphérie flamande) même s’ils pratiquent une agriculture conventionnelle car beaucoup d’entre eux sont en fin de vie professionnelle. Préserver ces terres en terres maraîchères de proximité est précieux.